Tout se passe depuis quelques mois comme si on voulait enrayer le marché immobilier résidentiel, et – ce qui est bien pire – contrarier les projets de logement des ménages français. Les professionnels du secteur, comme les Français en général, ont matière à être déboussolés : les dernières décisions, qu’elles soient budgétaires ou juridiques, reviennent tout simplement sur des années d’élan politique inverse. Sans faire ici un historique complet, on peut dire que les discours publics et les actes politiques des trente dernières années ont concouru à faire de l’investissement Immobilier une priorité, avec des hauts et des bas certes, mais un cap constant. Je ne sais d’ailleurs si le slogan de 2007 “La France de propriétaires”, correspondait vraiment à une accélération de l’histoire, ou si le marketing politique était seulement plus brillant qu’avant… D’ailleurs, ce message visait également l’investissement locatif car, évidemment, chacun n’a pas forcément vocation à être un propriétaire occupant.
Et voilà que tous les gestes du gouvernement et du parlement inversent la vapeur ! Oh bien sûr, les décideurs de l’exécutif et du législatif jurent la main sur le cœur qu’il n’en est rien, que nous faisons une mauvaise lecture des mesures prises. Soyons sérieux : il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour, et le logement et ses acteurs, professionnels et particuliers, ne reçoivent que des preuves de désamour, et elles sont de tous ordres. On n’avait jamais vu ça. L’immobilier représente prés de 22 % de notre économie, sa chaine complète allant du fabriquant de tuiles, de briques ou de béton jusqu’aux acteurs de la gestion et de l’entretien… L’Etat, alors qu’il profite de ces ressources, TVA et surtout emploi, raisonne dans une logique de dépenses, aides et niches fiscales entre autres.
Le président de la Fédération des promoteurs est allé jusqu’à dire qu’il n’y avait plus de politique du logement : on peut comprendre son appréciation, toutes les mesures envisagées ayant pour conséquences de bloquer les marchés de l’ancien et du foncier privé. Ces plans d’austérité ont choisi la cible privilégiée de l’immobilier, entre toutes celles qui étaient dans le viseur, mais bien d’autres mesures non budgétaires ont également été décidées à l’encontre du logement. Jugeons plutôt : alourdissement insupportable de la taxation des plus-values, suppression programmée des aides à l’investissement locatif tous azimuts, suppression des aides à l’accession dans l’ancien, mais aussi renoncement à inverser la fiscalité sur les cessions de terrain pour favoriser les détentions courtes et les cessions, renoncement à réformer l’urbanisme pour encourager la densité, modification du régime sécurisant les mandats des agents immobiliers et des administrateurs de bien, allègement des contraintes administratives pesant sur les succursales et refus d’accroître les exigences de formation. La liste est loin d’être exhaustive. Elle atteste que rien ne va plus.
Voudrait-on que les Français se détournent de l’immobilier, rendu inaccessible par l’asthénie des aides publiques, avec une sécurité des transactions qu’on cherche à compromettre, qu’on ne s’y prendrait pas mieux. Pour moi, il faut d’urgence sauver le maillon essentiel de cette chaîne grippée, la primo-accession. J’attends des candidats aux élections prochaines qu’ils réalisent que le pays ne sera pas heureux, que ses finances seront détériorées, ses emplois fragilisés, si ce qui constitue l’essentiel du marché, la première acquisition immobilière, ne fait pas l’objet d’une attention politique particulière. C’est la clé parce que le parc social et le parc privé sont insuffisants et qu’il faut favoriser la sortie par le haut de ses occupants dès qu’ils peuvent acquérir. Aussi parce que le mécanisme de la plus-value facilite les achats suivants, tandis que le premier, plus difficile, conditionne la suite du parcours résidentiel.
De quoi le marché a-t-il besoin ? D’un facilitateur d’endettement, tel que le PTZ, d’un montant revisité de 15 à 45 000 euros, ciblé sur les populations intermédiaires de primo-accédants, dont les revenus sont entre 1,5 et 3 SMIC. Une telle mesure permettrait de répondre en priorité à la demande de logements neufs en zone tendue, évitant ainsi une flambée des prix. Avec cependant une part significative dans l’ancien sous conditions : l’exigence de travaux de rénovation, énergétique bien sur, me semble opportune, pour que l’investissement final soit valorisé et que son coût de fonctionnement soit abaissé.
Je pense également qu’il faut un dispositif d’une extrême simplicité, par exemple sans zonage pour l’ancien : l’Etat n’a pas à guider vers l’achat en collectif ni vers le diffus, et la liberté de choix des ménages doit pouvoir s’exercer à partir d’autres considérations que l’ampleur de l’aide ! Cette mesure est d’autant plus nécessaire que, si la hausse des prix s’infléchit enfin, les banques sont en train et pour longtemps d’adopter une politique de distribution des crédits acquéreurs beaucoup plus restrictive. Elles exigent désormais des apports personnels majorés, et à l’heure où la solidarité financière familiale est compromise par la dégradation des retraites, bien des accédants sont empêchés de présenter les fonds propres demandés. Couplé à une hausse des taux déjà significative, ce phénomène compromet la primo-accession. Jamais la distance entre les discours politiques et la réalité des actes n’a été aussi importante, sur un sujet tout à fait factuel où le mensonge ou la trahison ne sont pas admis : il en va du destin logement de la population. Puissent les gouvernants actuels et les suivants le comprendre au plus vite.
Par Raymond Le Roy Liberge, Président du Groupe Immobilier Les Provinces
Président d’OCELOR, Observatoire du logement de la Région Centre
Membre de la commission Apparu sur la réforme de l’Urbanisme et de sa fiscalité
Membre des commissions Foncières et Observatoire de la FPI